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- Et maintenant, un « cinglé » fascisant aux manettes du monde
- L’élection de Donald Trump sonne la victoire du suprémacisme blanc aux États-Unis. Dans un climat de fin du monde, ses répercussions au-delà des frontières américaines sont effarantes : elles fragilisent les démocraties, les femmes et les minorités du monde entier, tandis qu’elles confortent l’extrême droite et les dictateurs de tout poil.
- Carine Fouteau
- 6 novembre 2024 à 20h07
- On ne peut pas dire qu’ils ne savaient pas. Les électeurs américains ont élu, en toute connaissance de cause, celui qui se targue d’être « un putain de cinglé » et promet d’être « un dictateur le premier jour ». Celui qui, cerné par les affaires judiciaires, veut supprimer des pans entiers de la Constitution, épurer massivement l’administration, utiliser la justice pour régler ses comptes, fermer des médias et emprisonner les journalistes. Celui qui entend déporter des millions de migrant·es et qui, accusé d’agressions sexuelles, se vante d’« attraper les femmes par la chatte » en mimant des fellations.
- Ils ont élu, les yeux grands ouverts, celui qui veut achever l’une des plus vieilles démocraties du monde occidental, dont les Pères fondateurs craignaient déjà qu’elle soit dynamitée de l’intérieur par un tyran. Ils l’ont fait, alors qu’ils en connaissaient le personnage et son bilan, pour l’avoir porté une première fois au pouvoir en 2016.
- Comment ne pas ressentir une énorme amertume, voire une immense colère, à l’égard de ces électeurs qui détenaient le sort du monde entre leurs mains et ont cru voter pour leur porte-monnaie quand bien même Trump préconise des coupes drastiques dans les dépenses publiques ? Comment ne pas en vouloir au Parti démocrate d’avoir trop tardivement lâché Joe Biden et ignoré la misère sociale ?
- Le « front républicain » contre le candidat du Parti républicain a échoué, et Trump, dont le parti s’est, par la même occasion, emparé du Sénat, a désormais les coudées franches, avec la Cour suprême à sa botte, pour mener le pays à sa perte.
- Des fake news au péril fasciste
- Les électeurs américains ont voté, mais nous en payerons tous et toutes les conséquences. L’avalanche trumpiste va s’abattre sur le monde, comme elle l’a fait en 2016. Il y a huit ans, son élection surprise avait consacré l’avènement orwellien des « faits alternatifs » et des théories du complot.
- Cette vague a recomposé notre rapport au réel, en érigeant les mensonges en vérités et en reléguant les faits vérifiés à l’arrière-plan. Nous en sommes toujours victimes aujourd’hui, comme en témoigne, en France, la déliquescence de l’espace politico-médiatique trusté par la propagande de la sphère Bolloré.
- À ce tournant majeur s’en ajoute un autre, encore plus terrifiant : ce qui à l’origine se présentait comme un populisme de droite fâché avec la vérité a connu ces dernières années une dérive fascisante propre à inquiéter ce qu’il reste de démocrates sur cette planète.
- Avec l’assaut contre le Capitole le 6 janvier 2021, le mouvement trumpiste a montré qu’il était prêt à défier, par les armes, l’État de droit pour imposer ce qu’il considère comme une nécessaire « régénération » identitaire. Des groupes d’extrême droite, que l’historien Robert Paxton a comparés aux milices fascistes du XXe siècle, se sont sentis autorisés par leur patron à essayer d’interrompre l’alternance démocratique en cours par la force.
- La publication, l’an dernier, du « Projet 2025 », issu d’un think tank proche du Parti républicain, a conforté l’idée d’un basculement : dans les centaines de pages de ce pavé infâme, se trouvent ouvertement assumés l’impératif d’une « contre-révolution » pour rétablir la domination blanche, chrétienne et patriarcale ainsi que la nécessité d’une reprise en main des appareils d’État.
- C’est désormais chose faite : le mouvement MAGA, pour « Make America Great Again », qui plaide pour un nouvel apartheid et assume d’être anti-science, a conquis le pouvoir en s’appuyant non seulement sur le vote des classes moyennes blanches déclassées, mais aussi sur le soutien idéologique et financier des techno-solutionnistes libertariens de la Silicon Valley. Ce qui ne peut manquer d’alarmer tant est colossal le pouvoir de nuisance d’Elon Musk et de ses comparses, capables de surveiller les masses au moyen de leurs satellites et de leurs robots fascisants.
- Les despotes contre la démocratie
- Dangereuse pour les démocraties, les femmes, les minorités et le climat, cette victoire donne des ailes aux réseaux d’extrême droite, adeptes d’un suprémacisme blanc. Elle ravit tout autant les autocrates, de Vladimir Poutine à Kim Jong-un en passant par Viktor Orbán, qui, hasard du calendrier, reçoit à partir du jeudi 7 novembre à Budapest les 47 pays de la Communauté politique européenne, composée des Vingt-Sept et de leurs voisins, de la Turquie à l’Ukraine.
- Pour ces despotes, le retour d’un président isolationniste et dysfonctionnel à la Maison-Blanche est du pain bénit leur permettant de légitimer leur assise et de gérer tranquillement leurs affaires : ils pronostiquent à raison que, sous son influence, l’ordre international sera plus que jamais « fondé sur le droit des potentats à disposer des peuples résidant dans leur orbite », comme l’a écrit le philosophe Michel Feher dans AOC.
- Même enthousiasme du côté de Benyamin Nétanyahou : le chef de guerre israélien sait que Trump ne se mettra pas en travers de son chemin pour l’empêcher d’aller au bout de sa logique génocidaire à Gaza et, si bon lui semble, de « frapper » le nucléaire iranien – il le lui a même récemment suggéré.
- À la différence des Palestinien·nes, qui n’attendaient rien d’une présidence démocrate qui n’a cessé de financer et de livrer des armes à Israël, les Ukrainien·nes se préparent à un lâchage en rase campagne. C’est pour elles et eux le coup de grâce, tant Trump a répété qu’il n’y aurait « plus un centime pour l’Ukraine ».
- Les Européens en ont conscience : s’il coupe l’aide militaire à Kyiv et négocie avec Poutine une paix favorable à l’envahisseur, le Vieux Continent, affaibli dans ses valeurs, et incapable d’assurer seul sa sécurité, en pâtira directement.
- Ennemi public numéro un de la démocratie, le fossoyeur de la République états-unienne emmène son pays dans le mur, et nous avec lui.
- Pour les femmes du monde entier, la victoire de cette masculinité toxique est synonyme d’un carnage aux allures de backlash, huit ans après le début du mouvement #MeToo. Car c’est bien contre elles que le candidat républicain a été élu, la défaite de Kamala Harris apportant la preuve qu’aujourd’hui encore, aux États-Unis, une femme ne peut être élue face au pire des machos.
- Elles reçoivent cinq sur cinq le message : deux ans après la suppression du droit fédéral à l’IVG par la Cour suprême à majorité conservatrice, leur corps continue d’être l’objet de tous les fantasmes d’un puritanisme fanatique. De la même manière sont fragilisées dans leur mode d’existence toutes les minorités sexuelles et raciales : le la donné en la matière par la première puissance mondiale produit inévitablement des effets partout ailleurs.
- C’est le climat, enfin, et donc le vivant dans son ensemble, qui va payer les pots cassés des électeurs américains. En faisant du prix de l’essence leur absolue priorité, ceux-ci ont accepté de donner les mains libres à l’un des adversaires les plus acharnés de la transition énergétique.
- Trump a ainsi promis de retirer son pays de l’accord de Paris, comme il l’avait déjà fait en 2017, et annoncé son intention non seulement d’annuler les directives visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de lever les restrictions sur la production de pétrole, de charbon et de gaz.
- Cet extractivisme débridé allié à sa foi dans un productivisme fleurant bon les années 1950, complète le tableau d’un Trump fascisant : ennemi public numéro un de la démocratie, le fossoyeur de la République états-unienne emmène son pays dans le mur, et nous avec lui. « Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie bourgeoise, mais son évolution par temps de crises », écrivait Bertolt Brecht.
- À un moment où l’élection américaine ajoute du chaos au chaos, sur fond de dégénérescence du capitalisme et de guerres monstrueuses, il ne nous reste plus qu’à organiser les moyens de la résistance, partout où nous nous trouvons, et à renforcer les contre-pouvoirs comme autant de remparts démocratiques.
- Carine Fouteau
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